Stocky Edwards nous a quitté à la veille de son 101e anniversaire. Il a « disparu vers l’Ouest »

La photo. De toutes les photos d’Edwards prises au cours de sa carrière militaire légendaire, aucune ne s’exprime avec autant d’éloquence que celle-ci. Elle a été prise quelque part en Italie en 1943. Il faut savoir que Stocky vient de passer de sergent de section à commandant d’escadre en deux ans. Remarquablement, son visage est calme, paisible et même amusé et ne trahit aucun stress ni manque de sommeil. Ses épaules sont détendues et ses mains sont enfoncées dans les poches de son pantalon kaki. Ses yeux ne reflètent ni la peur ni la perte. Une aura de conscience de soi et de détermination semble entourer son corps. Son regard porte vers l’extérieur, ses yeux sont fixés sur la tâche à accomplir, il est serein. C’est le vrai portrait d’un leader.

Le samedi 14 mai 2022, le commandant d’escadre James Francis « Stocky » Edwards, CM, DFC & Bar, DFM, CD de Nokomis, Saskatchewan, est décédé à un mois de son 101e anniversaire. Dans l’argot du personnel navigant de la Seconde Guerre mondiale, Stocky a «disparu vers l’Ouest»

La mort de Stocky conclut le dernier chapitre de la vie d’un homme remarquable. Né en pleine campagne de la Saskatchewan en 1921, il demeure un personnage légendaire au sein de l’histoire de l’aviation canadienne. Sa réputation d’excellence qui se répand dans les milieux de l’aviation canadienne a été bien méritée — non pas parce qu’il était un pilote de chasse doué, un as du combat aérien à trois reprises sur P-40 ou un héros de guerre, mais parce que, malgré toutes ses réalisations extraordinaires en tant que pilote et leader charismatique au combat, il a conservé deux caractéristiques normalement incompatibles avec son statut de guerrier quasi mythique : l’humilité et la gratitude.

Edwards, comme presque tous ceux dont le courage a été mis à l’épreuve pendant la Seconde Guerre mondiale, n’était pas un tireur d’élite ou un raconteur d’histoires de guerre, mais plutôt un homme réservé au sourire large qui s’exprimait avec une voix douce et un comportement sympathique. Il comprenait et respectait la loi tacite de ses compagnons d’armes. Faire briller ses propres exploits diminuait honteusement le sacrifice de ses collègues pilotes tombés au combat. Son humilité n’a fait que jeter plus d’éclat à son aura, a rendu ses paroles plus marquantes et a tiré de sa vie la leçon la plus importante à apprendre.

 

Quand Stocky pénétrait dans une salle, les yeux se tournaient vers lui, les oreilles se tendaient pour entendre ses paroles tandis qu’on murmurait son surnom —« Stocky » Mince, court et droit de posture, son sobriquet ne s’associait pas avec sa corpulence, mais plutôt sa détermination et sa fermeté.

 

Pendant la Seconde Guerre mondiale, les plus grands leaders canadiens ont été découverts, et non fabriqués. Ils n’ont pas été formés dans les salles de classe du Collège militaire royal ou du Collège d’état-major, non plus sont-ils sortis des cours de développement du leadership et de la gestion. Ils sont venus des champs de blé, des usines, des bureaux de comptabilité et des écoles secondaires d’une nation qui s’est insurgée pour défendre les autres contre un tyran aux emprises mondiales. Au cours des six longues et éprouvantes années de la Seconde Guerre mondiale, nos plus grands leaders sont sortis des rangs des aviateurs aussi rapidement que des érables qui poussent. Dès que leurs capacités de leadership étaient reconnues, les promotions suivaient. C’étaient des naturels. Stocky Edwards était l’un des plus grands de ces leaders nés qui a vu le jour dans le berceau d’une menace mondiale terrifiante.

Stocky Edwards était un homme reconnaissant. Il ne faut que quelques instants passés en compagnie avec lui et son épouse Toni pour que leur gratitude envers leur longévité et leurs opportunités devienne évidente. Stocky ne réclamait rien pour son service et son sacrifice. Il ne s’attendait pas à la révérence, mais il l’a reçue quand même. Il ne cherchait pas la déférence, mais on la lui accordait quand même. Il était toujours reconnaissant d’avoir l’occasion de raconter l’histoire de ses camarades d’escadron ; reconnaissant d’avoir pu reprendre les airs si ce n’était qu’assis en siège arrière d’un avion d’époque, d’avoir participé à des défilés aériens en son honneur, d’avoir vu son vieux cheval de guerre, le P-40, revivre aux mains des experts des Ailes d’époque et d’avoir été intronisé au Temple de la renommée de l’aviation du Canada. Il était reconnaissant envers l’Aviation royale du Canada, envers les projets qui lui ont permis de rester pertinent dans son deuxième siècle, envers une vie entourée de plusieurs générations du clan Edwards, envers sa santé remarquable et envers le pays qu’il aimait tant.

Par-dessus tout, Stocky Edwards était reconnaissant pour Alice « Toni » Antonio, son épouse bien-aimée depuis plus de 70 ans. Ils étaient inséparables. Ils n’étaient pas seulement un couple au sens traditionnel de tous les couples mariés, mais plutôt une seule entité. Ils n’utilisaient jamais le pronom de la première personne du singulier, toujours le pluriel. Leur relation était de toute beauté.

Stocky et Toni le jour de leur mariage en 1951. Photo:Edwards Family Collection

Le temps n’avait fait que les rapprocher — Stocky et Toni aux Ailes d’époque du Canada en 2013. Toni porte une mouche de pêche fabriquée par Stocky, qui adorait la pêche à la mouche. Stocky porte une épinglette indiquant qu’il est membre du Temple de la renommée de l’aviation du Canada. Photo : Richard Mallory Allnutt.

Bien que Stocky Edwards ne fera plus partie de nos vies, nous ne sommes pas attristés par sa disparition, car qui saurait réaliser davantage avec sa vie que cette icône canadienne ? Nous sommes plutôt, à la manière de Stocky, reconnaissant qu’il ait fait partie de nos vies et reconnaissant pour le temps qu’il nous a si humblement donnés. Nous sommes de tout cœur avec Toni pour la perte de son âme sœur et son amour depuis sept décennies. Elle est entourée de sa famille et nous espérons qu’elle trouvera la paix jusqu’à ce qu’elle puisse le rejoindre.

Dire que Stocky était aimé dans ce pays est un euphémisme aux proportions épiques. L’annonce de sa mort, hier, s’est répandue comme une traînée de poudre par texto, par téléphone, par courrier et par courriel dans le monde de l’aviation canadienne. Inévitable quand même, mais néanmoins cette nouvelle nous a froidement saisis le cœur.

Si sa vie sur cette terre s’est terminée, il vient seulement de « disparaître vers l’Ouest » — vers cet endroit spécial dans le cœur des Canadiens où il ne mourra jamais ; à l’ouest dans la mémoire collective d’une nation ; à l’ouest pour prendre sa place dans le panthéon des héros ; à l’ouest pour attendre Toni.


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